Nouveau rebondissement dans l'affaire du
THS ou
traitement hormonal substitutif de la ménopause. Après avoir été réhabilité, il est à nouveau accusé d'augmenter le risque de
cancer du sein. Explications et argumentation du Dr David Elia*.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Dr David Elia : La situation s'est à nouveau calmée dans la mesure où on a ' trouvé ' un effet protecteur cardiovasculaire chez les femmes qui initient un
THS en tout début de ménopause et que le risque de cancer du sein n'augmente pas avec la progestérone micronisée ou la dydrogestérone.
Les femmes françaises se trouvent dans une situation avantageuse car les progestatifs les plus utilisés depuis 2003-2004 par le corps médical français sont justement les progestatifs : Duphaston® et Utrogestan®.
Ce point est important car il constitue un des arguments pour répondre à l'étude de la Caisse nationale d'Assurance maladie (Cnam).
Que dit cette étude de la Cnam (février 2008) ?Dr David Elia : Avec le dépistage organisé du
cancer du sein, le nombre de mammographies a triplé. En conséquence, le nombre de
cancers du sein aurait dû augmenter. Or pour la première fois, nous observons une diminution de l'ordre de 6% depuis 2004.
Selon la Cnam, le seul évènement pouvant expliquer ce phénomène est le fait qu'un million de femmes ménopausées ont arrêté leur THS depuis 2004, suite à la mauvaise presse de l'étude américaine.
Toutefois, si l'on considère que le
THS peut favoriser le développement des tumeurs et non les initier, il est normal de constater un retard à la croissance de ces tumeurs, lesquelles auraient poussé plus vite si ces femmes avaient poursuivi leur traitement.
Il pourrait donc s'agir d'une fausse diminution qui devrait être rattrapée dans les années qui viennent !
Par ailleurs, il n'est pas étonnant de constater une diminution du nombre de
cancers du sein car depuis l'étude française en 2003-2004 montrant que seule la progestérone micronisée n'était pas associée à une augmentation du risque de cancer du sein, tous les gynécologues ont prescrit préférentiellement ce type de progestérone, d'où une explication potentielle de la diminution du nombre de
cancers du sein observé par la Cnam.
Autre argument : depuis les recommandations de l'Afssaps en 2003, les doses hormonales prescrites ont été fortement diminuées par 2, voire par 4. Or n'oublions pas que les oestrogènes sont suspectées d'être ' promotrices ' de tumeurs. Ainsi, moins alimentée en estrogènes, la croissance des tumeurs a pu être ralentie. Là encore, si c'est vrai, le nombre de cancers du sein pourrait augmenter d'ici quelques années avec un effet retard !
Par ailleurs, dans l'étude de la Cnam, si le nombre de mammographies a triplé, c'est qu'une bonne part des examens de dépistage a été réalisée chez des femmes qui n'avaient jamais eu de mammographies auparavant, alors que d'autres qui, en prenant le THS, avaient déjà été suivies.
Il est également à noter que les chiffres de la Cnam portent à caution car ils ont été obtenus en comptabilisant le nombre de déclarations en affection de longue durée (ALD : donnant droit au remboursement des soins à 100%) pour cancer du sein et non en comptant réellement le nombre de cancers du sein. Or on sait que la mise en place de la réforme Douste-Blazy sur la déclaration des ALD qui a eu lieu durant cette période a été difficile et a pu influer à la baisse sur les données.
Comme d'autres gynécologues, je reste sur cette morale : les femmes ont besoin d'un traitement pour vivre normalement leurs dix premières années au moins de la ménopause et pour prévenir l'ostéoporose. Nous avons retrouvé le bénéfice cardiovasculaire du THS et nous sommes relativement réservés quant aux conclusions de la Cnam pour toutes les raisons évoquées ci-dessus. Et enfin, rappelons qu'à ce jour, malgré la publication de toutes ces études, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) n'a pas changé ses recommandations.